La finalité d’un schéma de comportements violents, contrôlants et restrictifs.
Parce que le monde préfère ignorer :
- Même quand c’est ton voisin d’à côté.
- Même quand c’est ton best « body ».
Parce que l’intimité, au Québec, ça se vit entre quatre murs, pas en société.
Les personnes et les situations de ce billet ne réfèrent à aucun usager réel.
« Coupable », a prononcé le juré numéro 6 au palais de justice de Montréal, hier soir, vers 17h, en lien avec l’accusation des trois meurtres au second degré qui pesait contre lui. L’homme de 38 ans n’a pas levé les yeux une seule fois pendant le prononcé de ces mots. C’est donc dire que le jury composé de six hommes et de six femmes, qui était séquestré depuis lundi soir, a été convaincu [hors de tout doute raisonnable] que l’accusé, Maxime Gélinas, 38 ans, est l’auteur du coup fatal qui a causé la mort de la femme de 33 ans, Eliane Genois. La mère de famille a été retrouvée sans vie, le 18 avril 2016, dans la salle de bain du domicile familial de Val-D’or et celle-ci présentait une importante blessure à la tête. Les deux enfants, âgés respectivement de 3 et 7 ans, ont pour leur part, succombés à leurs blessures peu de temps après avoir été transportés d’urgence au Centre hospitalier de la municipalité, où leur décès a été constaté. Les corps des deux enfants portaient des marques de violence.
Rappel des faits
La poursuite a fait valoir que la relation entre l’accusé et sa conjointe était houleuse et que Gélinas, aux prises avec des problèmes de consommation, aurait mal réagi au fait qu’elle prenne ses distances et à la perspective d’une rupture définitive.
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Gélinas c’est ton deuxième voisin par la gauche. Il te passe sa tondeuse quand la tienne étouffe et il te fait salut de la main à tous les matins.
Gélinas, il prend sa bière le soir sur son balcon, des fois deux pis trois, mais il ne fait pas un job facile qu’il t’a dit, « y’a besoin décompresser ».
Ça l’air d’un bon gars pareil…
Depuis pas longtemps, il y a ses petits gars qui courent dans rue, sont rendus [presque] grands.
Tu trouves ça "cute" en tabarouette. T’aurais aimé ça être grand-père, mais toi ta progéniture est carriériste. Pour eux, les enfants, c’pas une priorité. Les petits Gélinas, eux-autres, ils lancent des cailloux et ils se battent à coups de poings, à coups de pelles. Des fois tu leur lâche un « wak » pour apaiser ta conscience, - sont pas toujours tranquilles - mais sont quand même mieux de jouer dans rue que d'être pluggués su leuuu télés, tsé!
Et il y Éliane, rapide, discrète, souriante. [Il a une belle femme le voisin, tu te l’est souvent dit]. C’est sûr qu’elle a l’air un peu fatiguée. Mais [attend un peu là] c'est pas facile de nos jours, la job, les deux enfants, les prix qui montent. Elle n'a l’a pas l’air malheureuse pour autant.
C’est arrivé, de temps en temps, comme tout le monde, que Gélinas pogne les nerfs envers ses petits morveux. Rien d’anormal, [je te l'ai dis tantôt] sont pas reposants les petits tannants.
T’as entendu [une couple] de criss pis de tabarnak, tu l’as vu pogner des bras pis rentrer sa marmaille pas mal vite en dedans, mais ça ne t’as pas rendu mal à l’aise pour autant.
Le monde est rendu moumoune sur un moyen temps, on s’est faites élever à coup de claques au cul pis on n’en est pas mort.
Ça te rassure presque, un père présent qui s’impose et qui prend son rôle au sérieux.
... Il y avait eu deux signalements DPJ.
Après une dispute un peu plus forte qu'à l'habitude, t'as vu les policiers débarquer. Ta voisine de l'autre côté t'as expliquée que les policiers n'ont pas le choix d'appeler le DPJ quand ils ressortent d'un milieu où il y a des enfants. Le DPJ a traité ça avec le plus de sérieux possible, mais quand les intervenants ont contacté Éliane, elle leur a expliqué que Gélinas avait une petite rechute, qu'il vivait pas mal de stress, mais qu'en aucun cas elle ne se sentait en danger ou à risque. Elle le connait son chum, il va redescendre. Éliane n'a jamais mentionné qu'elle se faisait [frapper], parce qu'effectivement, ce n'est pas du tout le cas. Les enfants étaient couchés, ils n'ont pas vu les 2-3 assiettes revoler et leur père frapper dans le mur à côté de la face de leur mère. Ils ont été réveillés par les policiers, mais se sont vite recouchés ; [habitués au vacarme], presque rassurés. Gélinas, il est parti dormir chez son ami, il a promis de diminuer sa consommation et de se prendre en main. Elle l'a bien spécifié Éliane que si ça ne le fait pas, elle va se séparer. Le DPJ avait déjà traité un signalement pour les problèmes de consommation de Gélinas, mais il avait pris les moyens. Il était allé se cherché un arrêt maladie et il avait vu sa T.S du GMF deux fois pour slaquer "suuu à bouteille". Anyways, ça remonte à plus d'un an. Tu le sais parce que [toute se sait ; pis parce que c'est écrit dans le journal]. Dans ta tête à toi, si le DPJ n'a "rien faite", il n'y avait pas matière à s'inquiéter.
Ça te réconforte ; comment t'aurais pu deviner que ça allait mal tourner ?
Gélinas est passé te voir un soir, comme ça. Il t’a parlé de ses petits problèmes avec Éliane. Il t'as fait comprendre à quel point sa dernière grossesse l’avait affectée, comment elle peut être réactive et difficile à vivre depuis. - pauvre gars - Il avait l’air de ne pas savoir où donner de la tête ; tu t’es senti impuissant, mais tu l’as écouté jusqu’au boute. Tu t’es passé la réflexion que les couples de nos jours, ça n'tient pu la route. Tu les as entendu se crier dessus par après. Ça arrive dans les meilleures familles que le ton monte. C’est dommage par exemple parce que, eux, ils avaient l’air heureux. Facebook pis Instagram ne remettent clairement pas ça en doute. Tu es allé te coucher en te disant que t’avais été d’une bonne écoute. C'est vraiment pas drôle ce que ton voisin vit, ça ne doit pas être reposant ; deux enfants turbulents pis une blonde qui n's’en remet pas de son post-partum...
Ce que tu ne sais pas, c’est qu'en venant te parler Gélinas était, encore une fois stratégique. Ça lui a permis de te jouer dans la tête, d’installer tranquillement, profondément, la pitié et la compassion autour de lui [il fait ça avec tous le monde] pour que jamais tu ne puisses douter de sa vraie nature.
Il tissait sa toile.
Éliane est isolée, elle ne viendra pas, elle, te parler. Elle essaye de ratonnaliser, d'expliquer ses réactions, de se faire aimer, de protéger ses ɓébés. Ça fini toujours par s'améliorer. Elle valse au rythme de ses humeurs et elle apprécie plus que la moyenne, le calme après la tempête.
C’est tordu ein, c’est à se demander à quel moment la conscience et la psyché cessent d’intervenir chez ces individus pour permettre l’escalade exponentielle de leurs stratégies perversses, qui s’étendent aux relations externes. Ils amènent l'entourage, bien malgré eux, à participer à la création de l'étau létal.
#Spiderman
Une fois la porte fermée, derrière the window, Gélinas pis ses six bières avaient un besoin viscéral de contrôle. Ce contrôle-là prenait de plus en plus de place, dans sa tête, dans son corps, dans ses actions, dans ses attitudes. Comme un artisan de l'affectif exclusif et fusionnel, il martelait et rafistolait des stratagèmes minutieux et conscients pour maintenir une emprise de plus en plus grande sur sa conjointe et ses enfants.
Quelqu’un peut m’expliquer, ça part d’où ce besoin chez l’homme de vouloir scotcher serré pour s’assurer que jamais l’amour ne puisse s’échapper ?
On fait quoi de mal, collectivement, dans l’éducation de nos petits gars ?
Je te soumets qu’on n’aura pas le choix de chercher une réponse systémique à un problème que la société refuse, encore à ce toujours, d’adresser dans sa globalité.
Malheureusement, les mentalités cherchent des réponses individuelles, intrinsèques et personnelles à un problème qui relève assurément plus de l’éducation, de l’apprentissage précoce, du respect individuel, conjugal et collectif, que du volet personnel.
J’ai envie de te dire que Gélinas, il le savait malheureusement ce qu’il faisait, mais qu’il s’est tellement enfoncé dans ses propres stratégies de contrôle, qu’il s’est convaincu que personne ne pouvait s’interposer dans son besoin grandissant d’exclusivité.
Il a bâtie son amour sur un fond de détresse ; sa candeur est devenue vengeance et lorsqu'il il a sentie sa proie glisser ; deux fils se sont touchés.
Il l'a mangé!
L’amour est un labyrinthe où il peut être agréable de se perdre ; un dédale où l’on peut toutefois se buter à la rigidité de l'être aimé jusqu'à y mourrir ficelé.
On a du chemin à faire pour déceler, dépister et agir en amont. Pour l'instant, c'est beaucoup plus facile de s'indigner.
- Si j'avais su !
Pis même si t’avais été convaincu que Gélinas tissait sa toile depuis des années ...
T'aurais fait quoi avec la mygale ? Tu l'aurais mise dans un bocal ?