Dans un monde de possibilités, il peut être difficile de ramer à contre-courant.
Imaginez à contre-cœur…
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Dans les dernières années, j’ai eu la chance d’être interpellée par ma consœur d’études universitaires, Anne-Marie Roullier, une personne dévouée à la cause des tous petits et avec qui je crois bien partager un type de parentalité similaire.
Anne-Marie Roullier a brillamment soutenu sa thèse de doctorat, intitulée « Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants » : Réactions face aux injonctions de bien-être de santé publique en contexte québécois. Le cas de l’alimentation des 0-2 ans de la Capitale-Nationale».
Elle m’a interpellée pour participer à un projet sensible, aux côtés de plusieurs autres membres du comité scientifique qui a vu le jour sur la pratique du CODODO.
Membres du comité scientifique :
Magali Béchard – sage-femme, directrice pédagogique - formation sage-femme – Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Aurore Côté, pneumologue pédiatrique, directrice du Centre Jeremy Rill pour les décès subits d’enfants, Hôpital de Montréal pour enfants, Université McGill.
Géhane Kamel, coroner permanente, avocate, co-présidente au comité d'examen des décès d'enfants, Bureau du coroner.
Juliette Herzhaft-Le Roy, directrice du Comité de concertation des groupes d’entraide en allaitement (COCOGREN), (m.d. France) et consultante en lactation.
Élise Jalbert-Arsenault, nutritionniste et conseillère scientifique au Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans et au Portail d’information périnatale, Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Moi, travailleuse sociale et personne autorisée relevant du Directeur de la protection de la jeunesse du CIUSSS de la Capitale Nationale.
Jessie Houle, officier aux opérations, Sûreté du Québec, Service des enquêtes sur les crimes contre la personne.
Mélanie Provencher, lieutenant-détective, Section des Abus physiques et décès d'enfants, Service de police de la Ville de Montréal.
Anne-Marie était, à ce moment, candidate au doctorat en anthropologie, elle était tout à fait en position de jeter un regard anthropologique sur le sommeil du bébé à travers les époques et les lieux.
De fait, une grande réflexion est née de nos échanges. Des recherches, des lectures, des idées mélangées, revisitées, des discussions et une journée nationale de santé publique plus tard, nous sommes ressorti de notre aventure avec le sentiment commun d’avoir pu soulever les débats et d'avoir entamer un processus collectif réflectif chez différents partenaires quant aux besoins évidents et réels en matière de redéfinition des recommandations, de formations et de concertations quant à la pratique du cododo au Québec.
Jusqu’ici, je vous imagine déjà avoir, à la lecture de ce début de billet, une opinion personnelle et/ou professionnelle - Bref, une idée de ce que vous penser de cette pratique (plus que possiblement teintée par ce que la société a intégré à son sujet).
Je vous épargne le suspense, pour ma part, le cododo me ramène à des années de partage affectif nourrissants et de connexions pures avec mes enfants. Il s’agit d’une base solide, à mon sens, pour bien encrer l’allaitement et pour établir un attachement sain et sécurisant chez le nourrisson. Il importe ici de ne pas en déduire que je plaide ouvertement que le fait de ne pas dormir avec son enfant nuit à son développement - aucunement.
Toutefois, dormir avec son bébé au Québec est une décision qui peut mettre à rude épreuve un parent, et ce, vu l’opinion professionnelle et collective qui y est rattachée (bien encrée). Encore à ce jour, pas plus tard qu’hier, on peut remarquer cette tendance qui associe le mot cododo à un risque lorsque des professionnels contactent la protection de la jeunesse, par exemple, pour faire un signalement. Ces derniers, mentionnent parfois au passage que, malgré les recommandations, une mère dort tout de même avec son bébé, suggérant une erreur, un problème, une inquiétude...
Personnellement, comme plusieurs mamans, j’ai dû essuyer plusieurs critiques au fils des premières années de vie de mes enfants quant à ma pratique ouverte du partage du lit avec mes tous petits. Malgré ma fougue et mon assurance, j’ai tout de même eu le sentiment de devoir « faire une chambre de bébé » par principe, pour rassurer l’infirmière ou la famille ; de devoir mentir ou contourner les questions lors des suivis chez le pédiatre, par peur de jugement ou suite à des commentaires culpabilisants, voire désobligeants.
Mais pourquoi ce sentiment de devoir se cacher ? Parce qu’actuellement, les normes et le jugement professionnel en la matière sont dictés par un précepte occidental flou qui associe – [j’exagère à peine] - le cododo à la négligence et à la mise en danger de l’enfant, voire même à sa mort…
Je ne dresserai pas ici le contenu des conclusions scientifiques qui a été, en parti, relevé et exposé lors de la journée annuelle de santé publique (Le cododo : entre science, croyances et réalité). Toutefois, j’ai envie de nommer que nos professionnels de la santé et des services sociaux, ceux qui entourent les jeunes bébés et leurs donneurs de soins principaux, doivent impérativement remettre à l’avant plan leur « gros bon sens » dans l’accompagnement et dans les conseils offerts à ce niveau. Au-delà des connaissances, le GBS demeure une valeur déterminante dans l’analyse des besoins de l’enfant, de la capacité du parent à y répondre et du sentiment de compétence parentale qui en résulte. Juger ou interdire cette pratique, sans fondement ou sans facteur de risque suffisant, est un non-sens risqué qui se situe à la limite du manque de jugement professionnel.
De fait, rappelons-nous que le jeune bébé n’a pas évolué au point du vu de ses besoins les plus primitifs. Il régule sa respiration, sa chaleur, son niveau de sécurité par la proximité du grand-humain qui en prend soin. Aucun homme des cavernes n’aurait eu l’idée de laisser son petit bout de vie dans la grotte d’à côté. Biologiquement, c’est insensé! L’instinct de survie est réactivé lorsque l’on met un enfant au monde, il résonne par lui-même en nous. Nous devenons très vite l’expert de notre petit humain. La culpabilité de faire « contre » ce que le cœur nous dicte en matière de parentalité ; pour se conformer à des normes de sécurité questionnables en termes de réponses aux besoins globaux de l’enfant ; ça te gruge un parent par en dedans!
Donc, au lieu de démoniser un parent qui désir dormir avec son bébé et de lui répéter qu’il le met en danger, je vous invite à supporter cette même personne face à ses choix. Supporter signifie comprendre, accepter, analyser et aider. La première étape est assurément de l’accompagner pour qu’il puisse porter, lui-même, un regard critique sur sa propre situation, sur ses besoins, sur ceux de son couple, sur ceux de son enfant. Une décision éclairée, sans jugement quant aux facteurs de risque réels qui sont présents dans sa situation. L’aider à faire un choix éclairé induit de devoir connaitre les bénéfices de cette pratique ainsi que ses facteurs de risque. Vous ne gagnerez rien comme professionnel à taper sur cet interdit si ce n’est que d’activer le parent dans sa méfiance. – Vous voulez un scoop ? Ce parent va tout de même faire du cododo avec son jeune enfant puisque l’instinct, la fatigue, l’allaitement et son cœur vont impérativement l’y conduire « at some point ». Il va le faire - sans vous en parler. Suite à quoi, votre propre jugement professionnel, votre position de rigidité, votre manque d’accompagnement, seront, à mon sens, les facteurs de risque les plus grands quant au sommeil [non sécuritaire] de ce bébé. Rappelons-nous que le rôle du professionnel est d’équiper le parent. Si ce parent est bien outillé, bien renseigné, bien préparé pour partager une surface de sommeil de manière adéquate et dans un contexte favorable, avec son enfant, il ne le met pas en danger! Il l’aide à créer une base de sécurité affective et il est, de fait, valorisé dans l’écoute de son instinct parental le plus fondamental.
Le cododo ne tue pas les enfants ;
Le manque d’accompagnement adéquat et de conseils indispensables met à risque les bébés - qui vont continuer de dormir avec leurs parents dans leur intérêt affectif et développemental le plus primitif ;
[même si vous dites non] ;
L’instinct parental a besoin d’être valorisé et supporté ; pas d’être interdit, cassé ou écrasé
L’interdit génère la résistance ; Ramer à contre-cœur éteint l’essence.